dimanche 5 octobre 2014

Couleurs d'automne

Pour moi l'automne a toujours eu sa part de mystère. Tous ces gens qui tout à coup se mettent à s'extasier en regardant les arbres. Les feuilles. Moi je n'y ai souvent rien compris. J'ai parfois même ressentie de la frustration. Tous ces « oh! » et ces « ah! » lancés en levant les yeux me ramenaient en pleine face ma réalité. Ma condition. Il y avait définitivement quelque chose qui m'échappait dans cette saison. L'automne semblait porter un bonheur auquel je n'aurais jamais accès. Cette saison placée entre ma préférée et celle que je déteste le plus ne m'apporterait rien de bon. La chaleur qui s'en va. Le froid qui s'installe. Les gants aux mains, puis les bottes aux pieds. Une transition nécessaire. J'en avais fait mon deuil. En fait, je n'y pensais plus. Je ne regardais plus les arbres pour faire semblant. J'avais baissé les bras. Baissé les yeux. Pourtant aujourd'hui en marchant, non seulement j'ai levé les yeux à nouveau pour regarder les feuilles, mais je m'y suis attardée. Je me suis même surprise à distinguer quelques nuances. Des feuilles ici plus pâles, d'autres là plus foncées. Mon œil à force d'observer longuement, a fini par distinguer quelque chose qui doit bien être ce que vous appelez les fameuses « belles couleurs de l'automne ». Poursuivant ma marche avec un léger sentiment de fierté, j'ai ensuite ressentie un plaisir immense à sentir le chaud soleil se mêler au vent frais d'automne. La chaleur sur mes joues. L'instant d'après, la fraîcheur. Je zigzaguais dans la rue, cherchant à maximiser les pas enchaînés dans les parcelles de soleil, moi qui préfère les fuir en général. Un sentiment réconfortant. Ce contraste chaud/froid, unique à l'automne. Et puis, en respirant profondément, j'ai senti l'odeur des feuilles tombées. Puis j'ai entendu le bruit de mes pas dans ces feuilles. Et tout à coup j'ai compris. Comme un jour quelqu'un m'a fait toucher la feuille d'une plante grasse pour me faire « voir » le vert, j'ai compris clairement que l'automne ne me cachait plus rien. Que rien ne m'étais inaccessible dans cette saison. Que tout était là devant moi et que je pouvais tout voir. Même ses couleurs. Suffisait de les sentir. De les ressentir. J'ai eu l'impression étrange d'avoir ouvert une petite boîte et d'en avoir fait sortir le précieux bonheur automnal que je ne croyais jamais pouvoir m'offrir. Je le porte maintenant jusqu'à ce que la prochaine saison cogne à la porte. Bel automne tout le monde!

mardi 17 avril 2012

La reconnaissance

Tout le monde aime être reconnu. Je veux dire, être reconnu pour ce qu'il est, pour sa valeur propre. On souhaite tous la reconnaissance de notre talent, de nos qualités, de notre ambition... Mais je me rends compte au fil du temps que l'être humain recherche non seulement cette belle et intangible reconnaissance, mais également l'autre. La petite, la plus simple, celle qui se produit lorsque vous croisez une personne que vous connaissez sur la rue. Que vous la saluez et que vous lui souriez. Que vous vous approchez d'elle et que, comble du bonheur, vous la nommez. Vous l'avez reconnue. Vous avez vu cette personne dans un autre contexte, et là, elle se présente à nouveau et vous pouvez la nommer car vous avez gardé en mémoire la couleur de ses cheveux, de ses yeux, les traits de son visage et de surcroît, son nom.

Plus je vieillis et mieux je mesure l'importance chez l'être humain de cette « petite » reconnaissance de tous les jours. Pensez-y : c'est celle qui fait que l'on tisse des liens avec nos voisins que l'on salue de la main, qu'on sourit à une connaissance croisée sur la rue ou qu'on embrasse un collègue rencontré au restaurant le midi. Et si je la comprends de mieux en mieux, c'est qu'il m'arrive souvent de ne pas reconnaître les gens. Je ne sais pas trop bien expliquer pourquoi, mais j'ai fini par conclure que mes yeux y sont sûrement pour quelque chose. Je pourrais citer des dizaines d'exemples cocasses qui m'ont donné envie de disparaître dans le plancher, qui m'ont fait me confondre en excuses, qui ont créé la surprise, qui ont froissé des gens, mais là n'est pas le coeur de mon propos aujourd'hui.

En fait, ce que j'ai envie de vous dire, c'est que moi, j'aime profondément les gens, l'être humain en général. Vous m'intéressz, vous me fascinez. En fait, soyez assurés que je vous reconnais pour ce que vous êtes, même si je ne vous reconnais pas sur la rue!

Alors je vous en prie : si vous me croisez à l'extérieur, criez mon nom (c'est le meilleur moyen), parce que soleil ou pas, mes yeux sont certainement trop occupés à s'assurer de ne pas embrasser quelques lampadaires mis sur mon chemin pour avoir le temps de vous voir. Si vous me croisez à l'intérieur, tapez sur mon épaule, dansez en faisant d'énormes simagrés (j'adore!) ou susurrez à mon oreille (pas mal non plus). Vous pouvez même vous nommer si le coeur vous en dit. Je vous reconnaîtrai avec plaisir!

vendredi 20 janvier 2012

La chance

Aujourd'hui l'hiver est froid et sévère. Cachée sous mon capuchon, pestant contre lui j'ai failli oublier que tout compte fait, j'en ai de la chance. La chance d'être en vie. La chance de vivre en paix. La chance d'aimer. La chance d'avoir des enfants en santé. La chance de travailler. La chance plutôt de me réaliser. La chance de me geler le bout du nez. La chance d'attraper froid. La chance d'avoir vu naître. La chance d'être aimée. La chance d'entendre. La chance de voir. La chance de réfléchir. La chance de sourire. La chance d'imaginer. La chance de créer. La chance de savoir lire et de pouvoir l'écrire. La chance de l'amitié. La chance de partager. La chance d'être entourée. La chance de jouer. La chance de pouvoir chanter. La chance de rigoler. La chance de m'enivrer. La chance de pleurer. La chance d'avoir vu l'Abitibi. La chance de crier. La chance de parler. La chance de me taire. La chance du théâtre. La chance de la musique. La chance de vibrer. La chance de marcher. La chance de courir. La chance de ralentir. La chance du silence. La chance des querelles. La chance des réconciliations. La chance de nager. La chance de respirer. La chance de dormir. La chance de cuisiner. La chance de goûter. La chance du passé. La chance de l'avenir. La chance d'espérer. La chance de m'impliquer. La chance de comprendre. La chance de m'envoler. La chance de vous voir grandir. La chance de vous aimer. La chance d'avoir un toit. La chance de t'avoir toi. Et si on dit que l'on fait sa chance, certainement qu'elle nous forge aussi. Rappelons-nous le en espérant le printemps... Bon hiver!

mardi 2 novembre 2010

Le courage

C’est mon anniversaire aujourd’hui. J’ai 32 ans. Pour l’occasion, j’entrebâille la porte de mon intimité et vous lis un extrait de la carte de fête qu’une personne dans mon entourage m’a offerte : oui, je sais que la vie n’est pas facile pour toi. (…) Heureusement, tu es courageuse (...), avec un potentiel fou (…).

J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont élevée en me donnant les mêmes opportunités qu’aux enfants normaux : encouragements, support, amour, école normale, cours de musique, cours de danse, etc. J’ai quitté le nid familial, j’ai complété des études supérieures, j’ai un conjoint formidable et des enfants magnifiques et je m’apprête à entreprendre des démarches de recherche d’emplois. J’ai donc vécu dans le vrai monde et me considère comme une femme normale. Mais quant à 32 ans vous me parlez encore de courage, de vie difficile et de potentiel fou alors je me dis que vous ne me connaissez pas. Que vous gardez entre vous et moi le handicap et que vous ne vous intéressez pas à la personne que je suis, à ma vie de femme, de mère et d’amoureuse.

J’ai le bonheur d’avoir dans ma vie beaucoup d’ami(e)s et curieusement aucun(e) d’entre eux/elles ne me parlent ni de courage ni même de vie qui n’est pas facile et encore moins de potentiel fou et j’en suis fort aise. Ils et elles me prennent comme je suis : un être humain avec ses forces et ses faiblesses. Tout comme eux d’ailleurs.

En fait, je veux bien porter le poids du courage, de la vie pas facile et du potentiel fou si vous le répartissez à parts égales entre tous les êtres humains sur la planète qui se lèvent le matin et choisissent d’avancer dans la réalité qui est la leur. Si dans la carte de fête de la caissière populaire (Richard Desjardins) en charge des chèques sans fond, qui se fait engueuler plus souvent qu’à son tour, vous parlez de courage, de vie difficile et de potentiel fou alors j’accepterai. Si dans la carte de fête d’une infirmière qui fait deux chiffres de suite à l’urgence vous parlez de courage, de vie difficile et de potentiel fou, alors j’accepterai. Si dans la carte de fête d’une mère monoparentale vous parlez de courage, de vie pas facile et de potentiel fou, alors j’accepterai. Si dans la carte de fête d’une musicienne partie vivre en Europe sans le sou vous parlez de courage, de vie pas facile et de potentiel vraiment fou, alors j’accepterai. Si dans la carte de fête d’un enfant qui vit dans un pays en guerre vous parlez de courage, de vie très difficile et de potentiel fou, alors j’accepterai. Si dans la carte de fête d’Ingrid Bétancourt vous parlez de courage, de vie pas facile et de potentiel fou, alors j’accepterai.

Moi? Courageuse? Non. Pas plus que vous. Si vous avez envie de connaître celle que je suis vraiment, j’adore prendre le café. Vous n’avez qu’à communiquer avec moi. Merci et bonne fin de journée.

Veuillez noter que je ne figure sur aucune de ces images.





jeudi 23 septembre 2010

Devinette

Qu'ont en commun toutes ces activités?

S'habiller le matin. Habiller les enfants. Traverser la rue au feu de circulation. Jouer à Cranium. Choisir un fruit au supermarché. Décider si le steak est cuit. Éviter d'acheter du fromage jaune. Classer des fiches. Répondre à la question du pédiatre : quelle couleur l'urine du bébé? Faire cuire un poulet. Séparer les vêtements pour le lavage. Hésiter entre un vin blanc et un vin rosé. Acheter une chemise à son chum. Acheter des bottes de caoutchouc dans une friperie pour enfants. S'acheter un sac à main qui fit avec ses chaussures. Jouer aux cartes. Retrouver le sac de son fils dans le tas de sacs des amis de sa classe. Corriger seulement les mots inscrits en rouge. Utiliser des surligneurs différents pour séparer des idées. Servir de la crème glacée au Bilboquet. Distinguer les salades dans un buffet. Distinguer tous les autres plats dans un buffet. Dessiner avec ses amies. Observer une toile au musée. Peindre la chambre de bébé. Remplacer les communiqués noir et blanc par les communiqués en couleurs dans les pochettes de presse. Féliciter maman pour le choix de sa nouvelle teinture. Choisir ses nouvelles mèches. Repérer sa voiture (ou plutôt, celle de son chum) dans un stationnement. Se maquiller. Se débarrasser d'un vêtement jauni. Détester les murs déprimants de l'hôpital. Trouver un chandail qui est dans sa palette. Garder la copie jaune. Remettre la copie bleue. Signer la copie rose. Jeter la copie blanche. Trouver le local qui est juste en face de la pancarte orange. Jouer aux pichnottes. Jouer au billard. Trouver un cahier d'initiation à la musique pour des enfants de 4 ans. Démêler les pâtes à modeler. Aller ouvrir la porte de la station de radio quand la lumière rouge s'allume. Distinguer les sortes de muffins quand tu sers au café. Donner le carré aux canneberges et NON celui aux chocolats blanc et noir. Retirer des étalages la tarte qui a du vert dessus. S'acheter un nouveau stylo. Aller chercher les chandails rouge, bleu et jaune mais pas le gris. Manger une tomate. Cueillir les fraises mûres dans le champs. S'extasier devant les feuilles d'automne! Attendre l'hiver tout blanc...

vendredi 17 septembre 2010

Ca m'fait ch...

Le symbole de la libération de la femme a certainement beaucoup changé au fil des années : l'obtention du droit de vote, celui de signer une hypothèque, l'arrivée de la première femme élue au parlement ou encore, la possibilité pour une femme de fumer en public. Pour moi, le symbole ultime de la libération de la femme (et de la liberté en général) est un geste que je ne pourrai jamais poser. Mettre la clef dans le contact, démarrer et appuyer sur l'accélérateur! La liberté!

Partir seule pour un après-midi shopping, chez des amies à Montréal pour le week-end, partir où l'on veut et en revenir quand bon nous semble, voilà l'ultime liberté dans notre société.

Après 32 ans de vie commune avec mon handicap, y'a une seule chose que je n'accepte vraiment pas, c'est de ne pas conduire. Je fais avec, mais je n'accepte pas!

Oui, y'a le transport en commun, le co-voiturage, la marche à pieds si bonne soit-elle pour la santé, les amis(es) bien généreux (et que je remercie mille fois pour les détours) qui nous font des lifts MAIS ce n'est pas ça la liberté!

Je vous entends me dire que vous connaissez M ou Mme Untel qui n'a jamais eu de voiture, ni même de permis! Il ou elle vivait dans l'fond du rang Machin pis ça ne les a jamais dérangé...

BEN J'LES COMPRENDS PAS!! Je ne sais pas du tout pourquoi des gens qui ont les capacités de conduire ne se ruent pas sur le permis de conduire à 16 ans pile!? Pourquoi on fait tout un plat de l'autobus qui de toute façon est systématiquement en retard et/ou bondée!? Pourquoi tout le monde buzz sur la campagne, sur les pâquerettes dans les champs avec des enfants qui courent dedans!?

Eurk! Pogné dans ma campagne sans CHAR, prisonnière!? Plutôt mourrir. Attendre après quelqu'un pour aller à l'épicerie!? Quel cauchemar!

Alors svp, lorsque vous posez ce petit geste maintenant si banal de vous asseoir dans votre voiture et de mettre la clef dans le contact, svp, pensez à moi!!

Ah, si j'avais un char...

vendredi 10 septembre 2010

Non, je ne suis pas fatiguée!

- T'as donc bien l'air fatiguée aujourd'hui!
- T'es certaine que ça va?
- T'as les yeux petits ce matin! Pour moi t'es rentrée tard hier!!

Bien entendu, lorsqu'on voit une personne qui a les yeux mi-clos, la première chose qui nous vient à l'esprit est certainement qu'elle a un sérieux besoin de sommeil. Tout à fait légitime comme réaction. Seulement, les yeux mi-clos de l'achromate que je suis traduise davantage une querelle de tous les instants avec la lumière! Et il m'arrive de la laisser gagner! Chaque jour, sous les néons (ou sous le soleil et parfois même sous les nuages) qui crachent une lumière beauoucp plus forte que mes yeux ne peuvent la supporter, je plisse les yeux, tout simplement.

La photophobie (intolérence marquée à la lumière) est un des problèmes reliés à l'achromatopsie. Voilà pourquoi vous pouvez me voir avec des lunettes de soleil par une journée grise. Pourquoi je suis la seule personne au monde qui est heureuse que le soleil se couche à 16h00 en hiver! Pourquoi je porte casquette et lunettes de soleil combinées même lorsque je me présente à vous dans des événements mondains qui se déroulent à l'extérieur. (ah, ces nombreuses activités mondaines...)

N'allez surtout pas interpréter mes lunettes de soleil comme une marque de snobisme, comme on me l'a déjà laisser entendre. Quoique...

Ne vous surprenez pas si je choisis le trottoir ombragé même si le soleil se pointe enfin après des jours d'absence, si je préfère travailler dans le noir quasi complet, si j'arrive à lire avec une lumière tamisée, si j'insiste pour souper aux chandelles, si je ne suis pas friante des déjeuners dans l'herbe.

Ma relation avec mon écran d'ordinateur s'avère également plutôt ardue. Dans le cadre d'un cours à l'université dans lequel il fallait créer un blog, le professeur nous a fortement déconseillé de prendre le fond d'écran noir et les lettres blanches (préciséement celui que vous voyez présentement), prétextant que cela rendait la lecture beaucoup plus difficile. Objection, votre honneur! Mon client est achromate!

Quel repos pour les yeux que de lire sur écran noir avec des lettres blanches...

La lumière, je l'apprivoise tous les jours et c'est certainement les yeux mi-clos que vous avez le plus de chance de me voir, à l'intérieur comme à l'extérieur et pourtant, non je ne suis pas (toujours) fatiguée!

En plus, c'est quelques fois plutôt sexy les yeux mi-clos, n'est-ce pas madame, monsieur?