mardi 17 avril 2012

La reconnaissance

Tout le monde aime être reconnu. Je veux dire, être reconnu pour ce qu'il est, pour sa valeur propre. On souhaite tous la reconnaissance de notre talent, de nos qualités, de notre ambition... Mais je me rends compte au fil du temps que l'être humain recherche non seulement cette belle et intangible reconnaissance, mais également l'autre. La petite, la plus simple, celle qui se produit lorsque vous croisez une personne que vous connaissez sur la rue. Que vous la saluez et que vous lui souriez. Que vous vous approchez d'elle et que, comble du bonheur, vous la nommez. Vous l'avez reconnue. Vous avez vu cette personne dans un autre contexte, et là, elle se présente à nouveau et vous pouvez la nommer car vous avez gardé en mémoire la couleur de ses cheveux, de ses yeux, les traits de son visage et de surcroît, son nom.

Plus je vieillis et mieux je mesure l'importance chez l'être humain de cette « petite » reconnaissance de tous les jours. Pensez-y : c'est celle qui fait que l'on tisse des liens avec nos voisins que l'on salue de la main, qu'on sourit à une connaissance croisée sur la rue ou qu'on embrasse un collègue rencontré au restaurant le midi. Et si je la comprends de mieux en mieux, c'est qu'il m'arrive souvent de ne pas reconnaître les gens. Je ne sais pas trop bien expliquer pourquoi, mais j'ai fini par conclure que mes yeux y sont sûrement pour quelque chose. Je pourrais citer des dizaines d'exemples cocasses qui m'ont donné envie de disparaître dans le plancher, qui m'ont fait me confondre en excuses, qui ont créé la surprise, qui ont froissé des gens, mais là n'est pas le coeur de mon propos aujourd'hui.

En fait, ce que j'ai envie de vous dire, c'est que moi, j'aime profondément les gens, l'être humain en général. Vous m'intéressz, vous me fascinez. En fait, soyez assurés que je vous reconnais pour ce que vous êtes, même si je ne vous reconnais pas sur la rue!

Alors je vous en prie : si vous me croisez à l'extérieur, criez mon nom (c'est le meilleur moyen), parce que soleil ou pas, mes yeux sont certainement trop occupés à s'assurer de ne pas embrasser quelques lampadaires mis sur mon chemin pour avoir le temps de vous voir. Si vous me croisez à l'intérieur, tapez sur mon épaule, dansez en faisant d'énormes simagrés (j'adore!) ou susurrez à mon oreille (pas mal non plus). Vous pouvez même vous nommer si le coeur vous en dit. Je vous reconnaîtrai avec plaisir!

2 commentaires:

  1. Bonjour Eugénie,

    je ne sais pas si ton blog est toujours actif... mais je te laisse un commentaire, on verra bien.

    Je fais partie de ton club (d'achromates) et tout ce que tu racontes me fait sourire car c'est mon quotidien aussi.

    J'ai aujourd'hui 45 ans, je vis en France. J'ai passé les 5 premières années de ma vie plutôt comme tout le monde (sauf que je me prenais les poteaux et les escaliers...).
    De 6 à 15 ans, j'ai découvert peu à peu ma différence, mes incapacités, et j'ai essayé de vivre comme tout le monde en le cachant le plus possible.
    Ensuite, j'ai choisi de vivre avec, c'est-à-dire d'avoir le droit d'être heureux et de voir le côté cocasse de la vie de tous les jours. Il m'a fallu plusieurs années pour accepter ma situation et tous les renoncements qu'elle comporte.
    Je pense avoir accepté 95 % du handicap vers l'âge de 25 ans. Il y a toujours quelques relents d'amertume face aux "oh" et "ah" des autres devant les feuilles d'automne, comme tu dis, ou d'un feu de cheminée, un arc en ciel, un feu d'artifice... Plutôt de me crisper sur ce que je n'aurai jamais, je me suis émerveillé de ce que j'avais (comme ton article qui répète "j'ai de la chance..."
    -Entre 25 et 45 ans, je prends petit à petit la mesure de ce handicap que je minimisais. Je me rends compte que le fait de vivre "comme tout le monde" (hormis de conduire) suscite plein d'incompréhensions de la part de mon entourage qui en oublie mon handicap parce que je ne le montre pas (hormis les lunettes de soleil de 6h du mat à 22h le soir... Oui, je n'ai pas de chance de ce côté-là, j'habite Perpignan, le sud de la France qui est très (trop) ensoleillé).

    Ma vie est loin d'être triste. depuis que j'ai vu le bon côté des choses, tout ce que j'ai appris sur l'être humain, ou développé par les autres sens. La musique est aussi importante pour moi (je joue clarinette et saxo).
    Côté professionnel, je suis aujourd'hui prêtre et j'ai développé un autre atout qui me rend un peu original, c'est le dessin. Je réalise des BD pour approcher la foi d'une façon un peu déjantée par rapport aux conventions habituelles.
    Ayant fini une trilogie sur la vie de Jésus vue par des animaux, je n'avais plus de projet depuis quelques mois. Je voulais faire une BD sur les achromates il y a 2-3 ans, et je n'ai jamais eu le temps. En ce moment, je me suis mis à farfouiller sur le net pour voir comment d'autres achromates vivaient leur maladie. J'en ai trouvé quelques uns (dont toi) et je me suis fait cette réflexion :


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  2. Vu qu'il faut moins de 4096 caractères par commentaire, je termine ici.

    Quand on poste un truc sur un forum sur ce qu'on vit, il y a beaucoup de questions un peu superficielles. Y répondre, c'est plus essayer de satisfaire une curiosité extérieure que de faire comprendre ce qu'on vit. C'est difficile de faire comprendre l'étendue d'une vie d'achromate qui s'est construit avec ses propres repères, sa façon de faire...
    Peut-être que dans ce moment de ma vie, je vais envisager de mettre ceci en images, sur une BD en niveaux de gris, histoire d'encourager les comiques de notre club, et de sensibiliser les autres (proches ou moins).
    J'ai toujours vécu en pensant que j'étais un cas à part même si une de mes petites soeurs présente la même pathologie. Ca nous permet d'en parler, mais relativement peu quand-même, ou plus exactement, il a fallu beaucoup d'années pour qu'on en parle vu notre écart d'âge et le fait que je sois parti tôt de la maison.
    Alors que si nous sommes 200 000 "cas" sur la planètes, il me semble que ce serait dommage d'être 200 000 à vivre ça d'une façon isolée.
    Voilà, j'ai passé l'étape d'ingurgitation et je voudrais passer à celle : "parlons-en pour aider les autres" notamment les plus jeunes et leurs parents.

    Chère collègue embrasseuse de lampadaire, merci pour ta façon marrante de dire des choses profondes.

    Bonne suite avec tes garçons, ton job et tout le reste !

    JB

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